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Du
chaud
et du froid
1
- Chaud ou Froid... Chaud et Froid
Si les trois premières grandeurs traitées avant
ce chapitre se sont imposées dès la nuit des temps, car
elles étaient quotidiennement présentes à l'Homme,
la "température" est une grandeur perçue très
relativement, même de nos jours : venant de l'extérieur,
l'atmosphère d'une cave nous paraît chaude ou froide selon
que nous y pénétrons l'hiver ou l'été.
Le contact avec le feu - occasionnellement suite à des incendies
d'orages provoqués par la foudre ou fruit de l'invention humaine
- fut certainement pour l'homme préhistorique tout autant marquant,
et sinon plus dans sa chair, pour sa chaleur que pour sa lumière.
Ce sont les nécessités fondamentales de la Physique qui
ont donné à la "Température" ses lettres
de noblesse : thermique, thermodynamique, théories de la conservation
et de la dégradation de l'énergie, etc.
Et pourtant, s'il y a eu plusieurs modes d'expression de la température,
il n'y a eu en fait qu'une unité servant à l'exprimer :"le
degré".
Cette unité traduit très particulièrement un niveau
plutôt qu'une quantité en elle-même.Je n'ai rien trouvé
chez les Anciens comme dans mes autres sources qui me fournisse sur ce
point une information autre.


2
- Les effets de la température
Ils sont nombreux, et certains sont connus depuis des temps ancestraux.
Sous l'effet de la chaleur :
- la glace devient un liquide puis de la vapeur, comme bien d'autres corps,
- les corps solides, liquides ou gazeux se dilatent,
- la pression des gaz augmente à volume constant,- les corps chauffés
émettent un rayonnement, une énergie, évoluant de
l'infra-rouge vers le visible,
- les corps électriquement conducteurs voient leur résistivité
augmenter avec leur température (effets de l'agitation thermique
des électrons les constituant),
- des forces électromotrices apparaissent aux extrémités
de corps conducteurs exposées à des températures
différentes,
- etc.Ce sont ces différents phénomènes qui furent
étudiés et mis en valeur pour servir :
- d'abord à mesurer de façon toute relative la température,
et l'on devrait dire à mesurer la chaleur d'un corps ;
- ensuite à définir des références absolues
pour quantifier cette grandeur.


3
- Un peu d'histoire
3.1 - De l'Antiquité à la Renaissance
- Galien : (vers 131 - 210) célèbre médecin
grec ; parmi plus de 750 écrits sur les sciences et la médecine,
aurait déjà introduit la notion de "degrés de
chaud et de froid".
- Sanctorius (ou Sanctorio ou Santorio) (1561 - 1636) : selon l'encyclopédie
anglaise "Britania", il cite dans l'un de ses mémoires
Avicenne (980 - 1037), célèbre médecin arabe qui
aurait utilisé un instrument pour connaître la température
de ses malades. Dans ses écrits, ce dernier prescrivait selon les
maladies, et pour les soigner, des "degrés" de chaleur
ou de froid, de sécheresse ou d'humidité (LAR).
- Galilée : (1567 - 1642), plus connu pour ses découvertes
astronomiques aurait inventé un thermomètre à gaz
indiquant, non la température, mais les variation de celle-ci.
- Sanctorius, cité ci-dessus, eut de nombreux échanges avec
Galilée, et partant des travaux de ce dernier, aurait mis au point
un thermomètre médical en 1612.
- Drebbel Corneille (cité par LCH), paysan hollandais aurait aussi
inventé un thermomètre au début du XVIIème
siècle, dont l'usage se serait alors répandu en Flandre
et en Angleterre.
- Rey Jean, né en 1683, au Bugue, en Dordogne, comme l'atteste
une coupure de journal en ma possession, aurait inventé un thermoscope
au début du XVIIIème siècle.
Le Livre Mondial des Inventions mentionne que les premiers thermomètres
à alcool seraient apparus en Italie en 1641 (document d'un fabricant
de 1645), mais dont la fiabilité ne fut assurée que plusieurs
années plus tard.De ce qui précède et de ce qui va
suivre, vouloir écrire l'histoire du thermomètre, ses inventeurs,
ses perfectionnements dans chacune de ses applications serait, me semble-t-il
une bien lourde tâche.
3.2 - Du Siècle des Lumières aux Temps Modernes
Comme on le verra plus loin, le XVIIIème siècle fourmillera
en recherches et découvertes dans ce domaine.
La température devient peu à peu, par définitions
successives, une grandeur mesurable, mais pas au sens strict, car si l'on
peut définir l'égalité de deux températures,
on ne peut les additionner ni les soustraire comme les autres grandeurs.
Pour cela, la température est la seule grandeur dite "intensive",
à l'opposé des autres grandeurs dites "extensives".
Pour mesurer cette grandeur, il faut donc le faire dans l'absolu, c'est-à-dire
définir des points auxquels on puisse se référer
"Points Fixes", entre lesquels on détermine une "échelle
linéaire de température".


4 - Points Fixes et Echelles de Températures
Tout simplement, on se tourna vers des phénomènes proches
de la vie quotidienne. Depuis longtemps, ceux de congélation et
d'ébullition de l'eau parlent naturellement à nos esprits
!
Mais au XVIIIème siècle, la fabrication du froid n'était
pas encore connue. On envisage donc une référence physique
plus accessible que la congélation de l'eau : ce fut la température
des caves de l'Observatoire de Paris. Celle-ci, de 11,86 degrés
à l'époque, resta effectivement stable jusqu'au milieu du
XIXème siècle pour ensuite croître lentement au grès
des retombées de notre civilisation !
Cette référence aurait été proposée
par Réaumur ou La Hire vers 1709.
En 1724, des thermomètres liquides (à mercure ou à
alcool) furent réalisés en référence à
la température d'ébullition de l'eau et à celle de
ces caves et gradués respectivement de 0 à 100, donc en
échelle descendante.
En 1741, Celsius (1701 - 1744) fait construire un thermomètre en
référence aux températures d'ébullition et
de congélation de l'eau, gradué également en échelle
descendante de 0 à 100 parties égales.
C'est en 1745 que Linné (1707 - 1778) aurait inversé le
sens de la graduation, sens conservé depuis, malgré l'attribution
du nom de Celsius à cette échelle devenue définitive
et bien que Réaumur ait proposé une échelle de 0
à 80 pour cette même étendue de température.
Le "degré Celsius" ou "°C" fut souvent
- et encore - appelé à tord "degré centésimal"
ou "degré centigrade".Quant à Farenheit (1686
- 1736), qui bien que prussien donna son nom à une échelle
de température anglo-saxonne, il fut un grand physicien, et selon
l'encyclopédie "Britania", sachant très bien travailler
le verre, il aurait inventé en 1709 le thermomètre à
alcool et en 1717 celui à mercure, avec des résultats reproductibles.
Il détermina sa fameuse échelle en prenant pour zéro
la température d'un mélange 50% / 50% de sel et de glace
et adopta la graduation 96 pour température du corps humain. Selon
(QD), la graduation initiale était de 12 divisions qui furent multipliées
par 8 pour une lecture améliorée ! Cette dernière
valeur fut portée à 98,6 soit 37°C. Les valeurs des
points de congélation et d'ébullition de l'eau sont donc
respectivement de 32°F et 212°F.
Afin d'éviter des recherches inutiles, je donne ici les relations
de conversion entre les deux échelles :
(°C) vers (°F) : T (°F) = 32 + 1,8 x T (°C) et pour (°F)
vers (°C) : T (°C) = [T (°F) - 32] / 1,8Les lois de la thermodynamique
firent apparaître une limite inférieure "théorique
et absolue" des températures égale à - 273,15
°C, origine de la nouvelle échelle des températures
absolues.
Lord Kelvin (1824 - 1907) donna son nom à celle-ci et à
la nouvelle unité : "le kelvin", avec la correspondance
de 1 K = 1 °C, car on parlera de " kelvin" et non de "degré
kelvin".
Cette nouvelle désignation est officialisée en 1960.


5
- Détermination des Points Fixes et des "EIT"
Afin de permettre l'étalonnage des thermomètres, il fallut
déterminer des points de température thermodynamiquement
fixes, constitués par des "points de transition d'états"
(ou de phases) de corps purs, dans des conditions bien déterminées.
C'est ainsi que le point 0°C de congélation de l'eau à
la pression atmosphérique normale a été remplacé
par "le point triple de l'eau" correspondant à l'équilibre
entre les trois états, solide, liquide et gazeux de l'eau, et qui
se situe à + 0,01°C (D2-p.19 et D3-p.36).C'est pourquoi, depuis
1960, "le kelvin" nouvelle unité de température
ne se définit pas par rapport à deux points fixes, mais
par rapport à ce point triple de l'eau, et on écrit alors
: 1 K = 1 / 273,16 de la température de ce point triple.
Le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM), créé
en 1875, et dont le siège est situé au Pavillon de Breteuil,
à Sèvres, a la charge de définir ces Points Fixes,
la façon de les réaliser et de les conserver et de déterminer
les modes d'interpolation entre plusieurs de ceux-ci pour en établir
l'échelle de température correspondante.
C'est un énorme travail qui ne peut s'effectuer qu'avec la collaboration
de gros laboratoires nationaux et internationaux publics et privés,
le BIPM assurant la coordination et la synthèse des résultats
au sein de Commissions ou de Comités Consultatifs Internationaux.
Jusqu'à ce jour, sept Echelles Internationales de Températures
(EIT) ont été successivement déterminées avec
des amendements sur deux d'entre elles selon la liste ci-dessous ; l'indice
numérique correspond - en principe - à l'année de
sa publication, sa mise en application pouvant être différée
pour des raisons techniques ou technologiques.
- 1927 : EIT 27 ;
- 1948 : EIT 48 ;
- 1960 : EIPT 48 ; amendement de l'EIT 48, (P pour "pratique) ;
- 1968 : EIPT 68 ;
- 1975 : EIPT 68 ; amendement de celle de 1968 ;
- 1976 : EPT 76 ; variante de l'EIPT 68 de 1975 non admise par tous les
pays pour la plage 0,5 K à 30 K ;
- 1990 : EIT 90.
Cette dernière échelle de températures, mise en application
le 1er janvier 1990 comporte 17 Points Fixes entre 5 K et 1 357 K. Elle
est couverte par quatre thermomètres de technologies bien évidemment
différentes :
- de 0,65 K à 5 K : thermomètre à pression de vapeur
d'Hélium ;
- de 3 K à 25 K : thermomètre à gaz (Hélium)
;
- de 14 K à 1 235 K, soit 962 °C : thermomètre à
résistance de platine ;
- au delà : pyromètre optique mesurant l'énergie
rayonnée selon la loi de Planck.


6
- Points Fixes de l'EIT 90
Le tableau ci-après reproduit les 17 Points Fixes de la dernière
Echelle Internationale des Températures dans laquelle le point
100 °C de l'ébullition de l'eau a été supprimé
:(3 K) à 5 K, soit (-270,15 °C) à -268,15 °C : point
de pression de vapeur d'Hélium ;
13,8033 K, soit -259,3467 °C : point triple de l'Hydrogène
;
17 K, soit -256,15 °C : point de pression de vapeur de l'Hydrogène
;
20,3 K, soit -252,85 °C : point de pression de vapeur de l'Hydrogène
;
24,5561 K, soit -248,5939 °C : point triple du Néon ;
54,3584 K, soit -218,7916 °C : point triple de l'Oxygène ;
83,8058 K, soit -189,3442 °C : point triple de l'Argon ;
234,3156 K, soit -38,8344 °C : point triple du Mercure ;
273,16 K, soit +0,01 °C : point triple de l'eau ;
302,9146 K, soit 29,7646 °C : fusion du Gallium ;429,7485 K, soit
156,5985 °C : congélation de l'Indium;
505,078 K, soit 231,928 °C : congélation de l'Etain ;
692,677 K, soit 419,527 °C : congélation du Zinc ;
933,473 K, soit 660,323 °C : congélation de l'Aluminium ;
1 234,93 K, soit 961,78 °C : congélation de l'Argent ;
1 337,33 K, soit 1 064,18 °C : congélation de l'Or ;
1 357,77 K, soit 1 084,62 °C :congélation du Cuivre.A titre
de curiosité, le passage de l'EIPT 68 à l'EIT 90 a conduit
à des corrections quantitatives relativement faibles, et que l'on
peut citer :
entre-200 °C et 0 °C, différence maximum de +0,01 °C
autour de -100 °C ;
entre 0 °C et 630 °C, écart relatif inférieur à
-0,02% ;
entre 630 °C et 770 °C, écart de -0,125 °C à
+0,36 °C ;
à 1 000 °C, écart de -0,19 °C, soit -0,02% ;
à 2 000 °C, écart de -0,72 °C, soit - 0,04% ;
à 3 000 °C, écart de -1,50 °C, soit -0,05%.


7
- Problèmes matériels subséquents
Ayant vécu la transition de l'EIT 90 plus d'un an avant sa date
d'application, et étant plus particulièrement concerné
par ce sujet comme nombre d'autres entreprises réalisant des appareils
de mesure pour ce domaine, je pense pouvoir résumer ci-après
les différentes conséquences auxquelles la profession fut
confrontée.
- Pour les hautes températures, le couple thermoélectrique
étalon Platine / Platine-Rhodié dit "thermocouple S",
utilisé entre 630 °C et 1 064 °C devait être remplacé
par un thermomètre à résistance de Platine, couvrant
jusqu'à 962 °C, mais dont la technologie n'était pas
encore totalement maîtrisée pour assurer sa fiabilité
dans le temps à ces hautes températures (il n'y avait cependant
pas de problème jusqu'à 850 °C).
- Les pyromètres optiques étalons devant désormais
descendre jusqu'à 962 °C au lieu de 1 064 °C, c'est-à-dire
mesurer une énergie plus faible de 27% (loi dite en T4), des progrès
et de nouvelles précautions technologiques étaient à
prendre.
- Les thermomètres et les pyromètres numériques utilisent
des polynômes de conversion entre la grandeur mesurée (résistance
de Platine ou force thermoélectrique du pyromètre) et la
température correspondante à afficher, la loi n'étant
pas linéaire. Or les nouveaux polynômes n'étaient
pas encore connus, plusieurs laboratoires internationaux travaillant encore
sur ce sujet.
- Les modes de réalisation technologique de certains Points Fixes
n'était pas encore totalement définis.
- Si ce qui précède est l'état de la situation en
juillet 1991, il ne me semble pas nécessaire d'émettre des
doutes sur les solutions qui, depuis, ont été apportées.


8 - Documents et conclusions
A titre d'informations complémentaires, je puis citer les quelques
documents suivants :
- "Commémoration du quatrième centenaire de la naissance
de Jean Rey" : article du journal "La Dordogne Libre" du
12 août 1983. Bien que né au Bugue (24), aucun élément
documentaire n'a pu être fourni sur celui-ci à l'occasion
d'une visite au Musée de cette ville !
- Bulletin de la Météorologie Nationale sur l'échelle
Celsius (janvier 1978).
- Décision du BNM concernant la mise en place de la nouvelle Echelle
Internationale des Températures, EIT 90, du 8 février 1990,
rappelant l'approbation du Comité de Direction du BNM, en date
du 24 octobre 1989.
- "La nouvelle échelle de température, l'EIT 90"
- Extrait du Congrès de Métrologie AFCIQ - AFQ de 1989.
Entre 1991,
date où je me suis mis "en retraite" et les années
1993 - 1997 pendant lesquelles j'ai entrepris la rédaction des
pages qui précèdent, de nombreuses évolutions ont
dû survenir.
Et le temps d'apparaître sur Internet, combien d'autres !
Mais il faut savoir s'arrêter après cette tentative pour
fixer un certain nombre d'expériences et de souvenirs, peut-être
à destination de mes enfants, qui pourtant n'auront pas suivi les
mêmes disciplines.
Christian
Guilbault
Ed. décembre 2002

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